C’est l’histoire d’une Rom d’Autriche. Elle se met à peindre en 1988, des décennies après que sa famille, comme les Roms, a été traquée par les nazis et enfermée d’abord à Auschwitz-Birkenau, Ravensbrück, Bergen-Belsen.
L’exposition montre d’abord la vie d’avant, en roulotte sur les chemins. Une vie harmonieuse.
Puis l’expérience des camps par une très jeune fille (elle a 10 ans). Là, c’est une marée d’impressions, de souvenirs, de témoignages de la survie dans les camps. Les images sont chargées, multiples, complexes comme les cauchemars, elles racontent une histoire sans chronologie, avec des surimpressions, c’est la complexité des émotions et des expériences vécues par la jeune fille, la peur, la violence, la douleur, la faim, l’horreur, ce qui assaille encore sa mémoire et toute l’expérience de son existence.
C’est rare de rencontrer une œuvre aussi puissante, prenante, bouleversante. C’est un coup de poing au cœur, elle met en image l’innommable, et les images qu’elle produit ont plus de force que tous les mots qu’on a pu lire sur l’extermination et la survie dans les camps.
Au delà de l’oeuvre d’art, c’est l’exposition d’une âme, comme ces écorchés de Rembrandt ou de Soutine, et en plus, cette femme a une manière d’écrire extraordinairement simple et puissante à la fois.
Après, il y a à nouveau la nature, d’une puissance extraordinaire, mais il y a aussi ces oiseaux, comme les âmes de tous ces morts qui accompagnent toute l’exposition et toute son âme, pour l’éternité.
« Toujours quand je reviens à Bergen-Belsen, c’est comme une fête ! Les morts volent dans un bruissement d’ailes. Ils sortent, ils remuent, je les sens, ils chantent, et le ciel est rempli d’oiseaux. »
« Ceija Stojka, une artiste rom dans le siècle », Une exposition à voir à la Maison rouge (Paris 12e), jusqu’au 20 mai 2018.