Le musée Albert Kahn sort de ses murs
En 2018, le Ministère de la Culture a mis en place le label « Le musée sort de ses murs ». Ce label récompense et valorise les actions de médiation menées par les musées dans des lieux publics, distincts de l’espace muséal : gare, mairie, foyer, maison de retraite, maison d’arrêt… Il s’agit d’encourager les projets destinés aux jeunes, aux publics du champ social et aux populations éloignées des musées, ayant un objectif de démocratisation de la culture. Le musée Albert-Kahn, à Boulogne-Billancourt fait partie des dix-neuf musées ayant reçu ce label en 2018.
Le musée départemental Albert-Kahn valorise une double collection héritée du banquier philanthrope du même nom : des jardins d’inspirations japonaise, anglaise et française, et une collection d’images photographiques et cinématographiques unique en son genre. Cette collection, nommée les « Archives de la planète », est le fruit du travail d’une douzaine d’opérateurs envoyés par Albert Kahn entre 1909 et 1931 dans une cinquantaine de pays : « La photographie stéréoscopique, les projections, le cinématographe surtout, voilà ce que je voudrais faire fonctionner en grand afin de fixer une fois pour toutes des aspects, des pratiques et des modes de l’activité humaine dont la disparition fatale n’est plus qu’une question de temps » (Albert Kahn, janvier 1912).
Le site du musée étant peu accessible au public, d’octobre 2016 à septembre 2018, à cause de travaux de rénovation, le musée a mené des actions hors les murs. En attendant sa réouverture, le musée départemental Albert-Kahn présente dans différents lieux une exposition itinérante à la scénographie ludique et dynamique permettant aux visiteurs de découvrir les collections et le nouveau projet muséal. Cette exposition est le support d’actions culturelles menées dans le département des Hauts-de-Seine depuis 2016.
Images en mouvement
Dans ce contexte, le musée départemental Albert-Kahn a mené le projet « Images en mouvement » auprès des résidents seniors du Foyer Soleil de Boulogne-Billancourt, dans le cadre du dispositif départemental « 3.4 » qui propose tout au long de l’année une présence artistique auprès des seniors du département des Hauts-de-Seine.
Ce projet ambitionnait de faire découvrir aux seniors la collection d’images fixes et animées les « Archives de la planète » du musée. Pendant un mois, les résidents du Foyer Soleil ont accueilli ce projet associant patrimoine et création artistique : ils ont découvert la riche collection d’autochromes, de films muets en noir et blanc et de rares films couleurs du monde entier datant du début du 20e siècle par le biais d’une exposition dans la résidence, d’ateliers de lecture d’images et d’ateliers de pratique chorégraphique à partir de ces images.
Ces ateliers ont permis aux seniors d’appréhender la complexité et la variété des collections de ce musée et de lire une image d’une nouvelle manière : par le corps. En effet, les ateliers de pratique menés par un chorégraphe ont offert une lecture sensible et poétique de ces images fixes et animées de Bretagne, du Cambodge ou encore du jardin du banquier Albert Kahn.
Le caractère expérimental du projet « Images en mouvement » est à souligner et provient de multiples raisons : la mise en mouvement des images patrimoniales est une approche novatrice et inédite des collections du musée. Le projet s’est déroulé dans une structure qui n’avait jamais accueilli ce type d’activité et s’adressait à un public qui n’avait jamais eu l’occasion de participer à ce type d’atelier.
Par ailleurs, ce projet de médiation peut s’adapter à différents publics. En effet, outre la mise en valeur des Archives de la planète en les proposant comme source d’inspiration d’un rendu artistique, cette mise en mouvement des images permet une nouvelle approche des collections hors de leur cadre institutionnel. Cette approche pourrait être proposée à d’autres publics, par exemple en situation de handicap, ou à des résidents d’un Ehpad. Ou encore devenir un projet intergénérationnel, ce qui peut permettre, à travers l’enrichissement mutuel, de changer les préjugés sur l’âge et de créer une dynamique bénéfique entre les deux groupes d’âge.
Pourquoi valoriser les actions des musées hors-les-murs ?
Les raisons d’encourager les actions hors-les-murs sont multiples et de nature assez différente. Il s’agit d’abord pour les musées de conquérir le non-public et d’attirer les visiteurs éloignés puis de les inviter à venir « dans les murs ». Viser le public éloigné de cette pratique culturelle répond à une exigence de diversifier les publics qui est un objectif assumé des musées depuis longtemps. Les actions hors-les-murs peuvent aussi être considérées comme une extension des actions de l’institution, notamment avec des modules d’expositions itinérants qui sont installés dans divers lieux publics (établissements scolaires, etc.) afin de proposer une première approche des collections à différents publics.
Une autre raison qui explique les actions hors-les-murs est la fermeture temporaire d’une institution. Dans ces cas-là, les projets hors-les-murs sont un moyen de maintenir accessible le musée, en préservant un lien entre le musée et son public. Il s’agit de créer de la curiosité autour des collections, de conserver une certaine visibilité afin de faire revenir les publics dans les murs lors de la réouverture.
Enfin encourager les actions des musées hors-les-murs s’inscrit dans une politique de démocratisation culturelle menée depuis cinquante ans. Cela permet de proposer des approches innovantes des collections et de réinventer des formes d’exposition dépassant les cadres institutionnels.
TousLesMusées, Juillet 2018