Visite de l'exposition

Antoine Bourdelle (1861-1929) admirait Auguste Rodin (1840-1917), de vingt ans son aîné. Il travailla pendant quinze années comme praticien, chargé de tailler des marbres pour Rodin.

À travers plus de 160 œuvres, dont 96 sculptures, 38 dessins, 3 peintures et 26 photographies, la confrontation révèle les fraternités et réciprocités des deux artistes mais aussi leurs divergences et antagonismes. L’exposition est organisée en 4 sections avec un intermède sur leurs affinités en tant que collectionneurs passionnés et un épilogue.

La première section, L’âme du matériau, montre le rôle du praticien et comment Bourdelle devint les « mains » de Rodin, transcrivant dans la pierre des modèles en plâtre du maître, dont la splendide Eve (prêt de la Ny Carlsberg Glyptotek de Copenhague). Entre 1893 et 1907, Bourdelle taille une dizaine de marbres pour Rodin dans ses ateliers (actuel musée Bourdelle), aidé de ses propres praticiens et élèves. En 1902, les premières tensions apparaissent lorsque Bourdelle tarde trop à tailler Ève et propose pour le buste de Rose Beuret une composition rejetée par Rodin. Leur collaboration dure encore quelques années mais en mars 1908, Bourdelle peut arrêter en écrivant : « J’ai en ce moment beaucoup de travaux. Je n’ai plus besoin de travailler pour Rodin. Je vends beaucoup. »

La section 2, Corps en morceaux, souligne la plastique de certaines parties du corps – tête, main, torse…
Un ensemble de masques rappelle qu’ils furent utilisés par les deux sculpteurs à la recherche d’expressions et de symboles puissants. Les mains peuvent résumer à elles seules l’esprit d’une sculpture au point que certaines ont été créées en marbre comme La Main de Dieu (1898-1902) de Rodin ou fondues en bronze comme la Main désespérée (1900) de Bourdelle. Le torse instaure également un dialogue entre des plâtres et des bronzes de Rodin et de Bourdelle. Les oeuvres d’autres artistes comme Constantin Brancusi (1875-1957), Alberto Giacometti (1901-1966), Ossip Zadkine (1888-1967), Chana Orloff (1888-1968) sont présentés en regard de leur modernité.

La troisième section, Le monument(al), traite de la sculpture dans l’espace, entre autres avec la question du socle chez les deux artistes. En revanche, la Porte de l’Enfer et le Monument à Balzac de Rodin semblent à l’opposé de la façade du Théâtre des Champs-Élysées et du monument de La France de Bourdelle... Au fourmillement tourmenté de Rodin, Bourdelle dévoile une sorte de sobriété architecturale.

La quatrième section, Métamorphoses et hybridations,  s’intéresse aux centaures et centauresses, symbiose de l’animal, du végétal et de l’humain. Rodin et Bourdelle puisent dans le réservoir de la mythologie pour explorer, en dessin et en sculpture, les potentialités de la forme.

L’Epilogue explore la figure debout dans la lignée de l’Homme qui marche de Rodin : l’Autoportrait sans bras de Bourdelle, Le Serf d’Henri Matisse (1869-1954), L’Homme qui marche de Germaine Richier (1902-1959) et l’Homme traversant une place d’Alberto Giacometti (1901-1966) mettent ainsi en évidence la postérité de Rodin et de Bourdelle.
Le rapprochement de ces « hommes debout » sculptés par différents artistes est l’un des éléments les plus  intéressants de l’exposition.

Itinérance
L’exposition sera présentée à La Piscine – Musée d’art et d’industrie André-Diligent de Roubaix du 1er mars au 1er juin 2025 puis au Musée Ingres Bourdelle de Montauban du 27 juin au 19 octobre 2025.

Rodin / Bourdelle. Corps à corps