Ce samedi après-midi ensoleillé de décembre a éclairé d’un très belle façon notre déambulation architecturale dans le 16ème arrondissement de Paris.
Nous étions une bonne quinzaine à découvrir, grâce aux commentaires pertinents de notre guide historienne de l’art, les expressions polymorphiques et polychromiques du Castel Béranger au 14 rue La Fontaine, dessiné par Hector Guimard qui obtenait à l’âge de 27 ans sa première commande de construction d’un immeuble de rapport dans cette campagne en friche qu’étaient en 1897 les villages d’Auteuil, de Passy, et le hameau Béranger : cette passion pour les volutes de la végétation que le jeune Guimard traduit dans la taille de la pierre, dans le dessin libre des ornements en fonte de ferronnerie, il l’a rencontré chez ses maitres d’Europe du Nord, de Belgique, où Victor Horta exhortait à « oublier les fleurs, pour observer la tige » , qu’on allait appeler l’Art Nouveau.
Hector Guimard construit d’autres oeuvres de maturité dans la rue La Fontaine, l’hôtel particulier de Paul Mezzara notamment, avec ses lignes incisives sensuelles dans la taille de pierre, et les grilles de ferronnerie qui reprennent les volutes des tiges de la vigne.
Cet art luxuriant n’a pas survécu à la grande guerre, et les nouvelles avant-gardes ont dessiné une architecture plus épurée, en créant le style Art Déco, où l’architecture se voulait mère de tous les arts qui s’y agrégeaient : peinture, sculpture, vitrail, céramique, ébénisterie…
Nous ne divaguerons pas notre chemin du côté des maitres de l’Art Déco, Mallet-Stevens ou Henri Sauvage, pour aller droit sur la rue du Docteur Blanche, visiter la maison Laroche créée en 1923 par Le Corbusier pour y accueillir l’habitation de son mécène, aux lignes épurées, aux baies filantes et aux façades en aplat sans aucune modénature, et un volume unique dédié à l’exposition de ses peintures; si l’architecture extérieure est d’une écriture austère et implacable qui détonne singulièrement avec les lignes courbes luxuriantes de l’Art Nouveau, le langage des volumes intérieurs qui nous font cheminer dans un dédale à 3 dimensions où les volumes de balcon en avancée répondent aux galeries qui les traversent, où la rampe qui suit un mur courbe trace une diagonale dans le volume d’exposition.
Les éléments de mobiliers intégrés dans l’architecture dessinés par Le Corbusier et Charlotte Perriand achèvent de transporter le visiteur dans le charme des inter pénétrations de volume et de lumière !
Le sculpteur Le Corbusier est décidément plus convaincant que le théoricien dont le dogme sur l’architecture et l’urbanisme de fonction a fini par envahir le monde du vingtième siècle dans un style international qui a malheureusement scellé un contrat faustien avec l’avidité des spéculateurs et d’un monde de la démesure.
Laurent Vincent, architecte