Entretien avec Josette-Yolande Rasle, Commissaire de l’exposition
La rétrospective de Bernard Rancillac
Exposition temporaire hors les murs du Musée de La Poste
La rétrospective présentée à l’Espace Niemeyer, place du Colonel Fabien, réunit 80 œuvres créées de 1961 à 2015 : peintures, sculptures, objets, affiches, collages, installations… Elle reflète le parcours de Bernard Rancillac (1931-), l’un des représentants les plus importants de la Figuration narrative.
Nicole Arnal : Comment est venue la décision d’organiser cette rétrospective et puis le choix des œuvres exposées ?
Josette-Yolande Rasle : Cela fait plusieurs années que je pensais à une rétrospective de Bernard Rancillac mais cela a pris du temps, l’espace d’exposition temporaire du musée de La Poste sur 600 m2 ne s’y prêtait pas bien et puis la grande rénovation du musée a été engagée. Dans l’exposition à l’Espace Niemeyer, il y a beaucoup d’œuvres de grands formats. Cela n’a pas été facile à installer mais ici on dispose de 1300 m2. Les œuvres proviennent de la collection de l’artiste, de collections privées et des musées.
Pratiquement, j’ai eu le feu vert en novembre 2016 et l’inauguration de l’exposition a eu lieu en février 2017… c’est court pour tout organiser, heureusement, toute la réflexion avait été menée avant !
N.A. : Comment le travail de préparation de l’exposition se répartit entre vous et les collaborateurs, entre l’interne et l’externe et avec l’artiste lui-même ?
J.-Y R. : Seul l’éclairage et les cloisons supplémentaires installés dans l’Espace Niemeyer ont été réalisés en externe. Le lieu étant classé, nous n’avons pas le droit de planter un clou ni dans le sol ni dans le plafond ni dans les murs, ce qui nous a obligés à réfléchir à un autre système d’éclairage et d’accrochage. Sinon, le reste a été réalisé en interne. Pour toute exposition, le commissaire travaille de concert avec le scénographe qui trouve les solutions techniques et dynamise la mise en espace ; le commissaire, lui, connaît l’artiste, l’œuvre et détermine l’angle d’approche, le parcours de l’exposition. Mais une exposition, c’est un travail de groupe qui implique un grand nombre de personnes. La logistique par exemple. Pour ce projet, mes collègues ont fait un travail remarquable ; la direction, la communication, le service des publics… Il faut que toutes les personnes concernées par l’organisation soient là, disponibles, pour que ça marche. Nous avons eu beaucoup d’échanges – parfois vifs – avec Bernard Rancillac… Tous les commissaires n’associent pas les artistes à leur exposition. Ce n’est pas mon cas. J’aime travailler avec eux car un double regard est toujours enrichissant. Mais le peintre n’est pas toujours le mieux placé pour présenter son œuvre, il oublie parfois qu’il s’adresse à un public et qu’il y a de multiples contraintes à tous les niveaux.
N.A. : Ensemble, nous refaisons le tour de l’exposition
J.-Y. R. : L’exposition commence avec la période noire (1961) puis après trois ans de cette traversée du désert selon le mot de l’artiste, Rancillac passe au blanc avec une série qu’il appelle Fantômas. Ensuite c’est le retour à la couleur avec des huiles sur toile qui oscillent encore entre abstraction et figuration. Mais Rancillac, avec d’autres artistes d’horizons et de nationalités divers, cherchent à figurer la réalité d’une façon nouvelle mais non abstraite. Ils vont emprunter les codes de la société de consommation, du cinéma, de la bande-dessinée, de la publicité, du roman-photo, de la photographie … pour créer une nouvelle figuration que l’on découvrira dans leur première exposition intitulée Mythologies quotidiennes organisée en 1964 au musée d’Art moderne de la ville de Paris par Rancillac et Hervé Télémaque notamment. Ces artistes seront regroupés quelque temps plus tard par Gérald Gassiot-Talabot sous le vocable de Figuration narrative.
A partir de 1966, Rancillac décide de peindre à l’acrylique et d’utiliser l’épiscope que lui a offert Télémaque. Dès lors, son travail s’appuiera sur la photographie qu’il va retravailler, recadrer, pervertir. C’est une perversion de l’image, au sens premier du terme – c’est-à-dire une autre version qu’il donne à voir.
1966, est aussi l’année où il décide de peindre l’actualité. Tout aussi bien l’actualité politique que littéraire ou artistique. Son tableau Chez Alberto, peint à la mort de Giacometti, en est un magnifique exemple.
Rancillac se définit comme un animal politique. Il va dénoncer – sans pour autant prendre parti – les conflits, les dictatures, les événements qui privent l’Homme de sa liberté, les manipulations. Il retient du monde son côté le plus cruel, odieux et donne une vision désespérante de l’humanité. Néanmoins, pour peindre l’actualité, ses motifs sont multiples : les musiciens de jazz, les stars, Mickey… L’engagement politique de Rancillac aurait pu se focaliser sur la défense de la beauté, du merveilleux mais voilà Rancillac est un inquiet qui tire des sonnettes d’alarme avec l’arme qui est la sienne : la peinture. Et il le fait efficacement. L’art n’a peut-être pas la capacité à changer le cours de la politique, mais il est là pour nous faire réfléchir, nous conduire à ne pas tout accepter.
1968. Nous sommes tous des juifs et des allemands
1974. Diana Ross
1991. Chemins
1996. Sakéo
2013. Le Mur