Derniers jours pour voir absolument l’expo Jean Fautrier, justement intitulée Matière et lumière. J’ai découvert hier et adoré ce peintre génial, subtil, elliptique, poétique.
Passé la 1ère salle avec de noires Tyroliennes et sa concierge (fascinante) où l’on se demande un peu à quoi s’attendre, puis des peintures-référence (lapin écartelé, sanglier façon boeuf écorché, harengs… ça fait penser à Soutine ? Qui lui-même digérait la peinture flamande classique ???
Après ça, ça commence en douceur, avec en particulier des portraits, sur la droite, étranges, intrigants, qu’on scrute en se demandant ce qu’ils disent, et puis ça continue dans cette attirance mystérieuse, comme s’il évoquait quelque chose de profond, intime, et inattrapable. Par exemple une nature morte de 3 poires, pas morte du tout, mais vibrante, onirique, lumineuse et assourdie à la fois, attirante. Il y a aussi des paysages, assez méconnaissables, mais captivants, avec des arbres ou des forêts.
Elliptique est un mot qui lui va bien. Il suggère, il y a forcément quelque chose de sous-jacent dans ce qu’il montre, et c’est cette navigation permanente entre plusieurs registres ou interprétations qui est fascinante.
Il y a aussi une salle de dessins extraordinaires, tellement ce type est fulgurant, presque asiatique dans sa manière de tracer 3 courbes et deux traits pour dire l’essentiel.
Ses sculptures aussi sont impressionnantes, inattendues, personnelles. Voilà, cet artiste est personnel, ce qui est le propre de tout artiste, mais lui l’est plus que quiconque. Il ne suit aucun courant, aucun -isme, aucune “peinturlure” comme il l’appelle. Il suit son exploration intime, et il excelle à la surimpression.
Par moments mais dans un style radicalement différent, il m’a fait penser à Anselm Kiefer, qui donne volontiers dans la surimpression. Mais là où Kiefer y va de sa monumentalité, voire systématisme, Jean Fautrier est d’une poésie et d’une légèreté incommensurable. Tout en restant intime et profond. Voire inaccessible. La juive, par exemple, c’est bien mystérieux ce qui a bien pu le conduire à ça. C’est pourtant un magnifique tableau. Les Jeunes branches aussi, sont étonnantes, légères, aériennes, dans une ambiance de lumière verte. Et les Otages ne se laissent pas si facilement approcher.
J’ai adoré la salle des peintures-objets, boîtes, cartons, etc. c’est là qu’on comprend mieux sa démarche qui part du concret pour arriver à tout autre chose, et c’est fascinant de légèreté et de subtilité.
Il faut regarder 2 ou 3 vidéos qui lui sont consacrées, où il apparaît tel qu’il est, concis, intelligent, éclairé. Il raconte comme il aime aller vite quand il peint, parce qu’il a déjà tout conçu dans sa tête. (Ça doit être aussi une de ses différences avec Kiefer : ça m’étonnerait qu’il aille vite. Attention, j’aime bcp Kiefer, mais Fautrier est bluffant).
Les peintures de la fin sont plus difficiles d’accès, mais comme on est préparé par tout ce qu’on a vu avant, c’est très fascinant aussi, bien que plus chargé. Densifié. D’ailleurs, l’une d’elles s’appelle Tourbes.
Jean Fautrier. Matière et Lumière, au MAM – musée d’Art moderne de la ville de Paris, jusqu’au 20 mai 2018.
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