A travers deux collections, l’une publique du Centre Pompidou et l’autre privée de Marin Karmitz, l’exposition offre tout un panorama de la figure humaine, corps et visages.
Les photos des visages et des corps, dont certaines séries, racontent des histoires et en même temps questionnent le rapport entre photographes et photographiés.
L’exposition, non chronologique et « pas vraiment historique », est structurée en sept parties, mêlant les photographies des deux collections, oeuvres historiques et oeuvres plus contemporaines . C’est une énorme exposition avec plus de 500 oeuvres et 132 artistes photographes.
Les premiers visages
Au début du 20e siècle, le visage photographié en plan rapproché devient un motif récurent. Toutefois, le style peut être très varié comme par exemple, les photos de visages en plan rapproché de Stanisław Witkiewicz et celles de Constantin Brancusi qui n’ont rien à voir. Lewis Hine, est bien représenté, avec ses photos de l’arrivée des immigrants à Ellis Island, dans le port de New York ou celles des enfants au travail qui avaient contribué à sensibiliser l’opinion publique.
Automatismes ?
Les photomatons ont commencé d’abord aux Etats-Unis dans les années 20 puis sont arrivés en Europe. Cette cabine de prises de vue automatiques, sans auteur, étaient au départ au service des contrôles administratifs et policiers… très vite, elles ont été détournées par des artistes et à nouveau, dans les années 60 avec le développement des arts performatifs. Aujourd’hui, de nombreux artistes utilisent le dispositif, son esthétique spéciale pour dénoncer les codes énoncés par la société. L’exposition présente plusieurs oeuvres réalisées autour de photomatons ainsi que la série d’autoportraits d’Andy Warhol grimés en drag queen, réalisée en 1981.
Fulgurances
L’appareil photo permet de capter une scène, des personnes à leur insu ou pas. les prises de vue peuvent être ou sembler spontanées comme la photo des jeunes filles qui dansent de Paul Simon, ou plus posées. Des photographes montrent les solitudes urbaines, comme celles de Walker Ewans dans la rue ou dans le métro.
Fragments
L’individu devient objet anonyme, découpé en morceaux par le cadrage ! Le femme y est fortement représentée mais certains artistes utilisent la fragmentation pour au contraire dénoncer les rapports de contrôle et de pouvoir. Annette Messager, présente dans les deux collections, interpelle avec une oeuvre de la série Mes voeux (1989).
En soi
Des visages concentrés, absorbés en eux-mêmes, le photographe semble être invisible. Certains photographes privilégient un cadrage dramatique ou des jeux de clair-obscur pour souligner un état mélancolique, une solitude. Voir la série Passengers (2008-2010) de Chris Marker, une des dernières séries photographiques de l’artiste.
Intérieurs
Michel Foucault crée le terme « hétérotopie » pour signifier des lieux à part dans une société, espaces de liberté ou au contraire de mise à l’écart, comme l’asile psychiatrique, la prison, l’école ou encore une manifestation… Comment les photographier ? Des photographes gardent une distance par rapport à ces espaces tandis que d’autres s’y intègrent en partageant la vie de « ces autres à part ». Les images dévoilent des lieux et des identités souvent invisibilisés, ainsi celles de Raymond Depardon dans les asiles psychiatriques, ou la série de Christer Strömholm sur le milieu de la prostitution à Paris ou encore les images de Gordon Parks sur la pauvreté, un photo-reportage publié dans le magazine Life. On remarque également la présentation de l’enquête qu’a réalisée Laia Abril pendant plusieurs années sur des femmes qui ont avorté dans des conditions difficiles. Dans cette section, sont aussi exposées des images de Mai 68, lieux de contestation sociale et politique.
Spectres
A travers divers procédés (flou, reflet, ombre, photomontage…), les artistes mettent en scène l’effacement, la disparition des individus. Ainsi l’image de Suzan Meiselas, lors d’un reportage au Salvador, « Soldats fouillant les passagers d’un autobus » (1980) où les passagers sont alignés au bord de la route et on ne voit que leur ombre, image qui traduit bien la violence instaurée à la suite du coup d’état de 1979. Les photos du Père Lachaise qu’a réalisées Stéphanie Solinas en arpentant pendant des années les allées du cimetière : elle y a relevé 379 tombes d’où la photo d’identité du défunt a été effacée ou a disparu. Enfin, ne manquez pas un montage émouvant de Christian Boltanski « La dernière danse » (2004).
La dernière image que l’on remarque, par sa taille et son emplacement, est un portrait réalisé par Trevor Paglen pour lequel l’artiste a fait appel à l’intelligence artificielle : « Fanon » (Even The Dead Are Not Safe), 2017, un inquiétant portrait de Frantz Fanon…
Vous avez également visité cette exposition
Déposer un témoignage