Cette exposition chronologique et thématique (surtout thématique, en 12 thèmes) à travers 470 œuvres réparties dans 14 salles révèle l’évolution de l’intimité du XVIIIe siècle à nos jours, en Occident.
Peintures, photos, objets du quotidien montrent comment l’intimité s’est imposée au fil des siècles. L’évolution de la société et des habitudes ont contribué à transformer la façon de dévoiler l’intimité. L’exposition aborde aussi les problèmes engendrés par les nouvelles technologies tels que nuire au respect de l’intimité ou conduire à l’exposer dans l’espace public.
Avant le XVIIIe siècle, le désir d’intimité était relativement limité, il est apparu avec l’émergence de la classe bourgeoise. La chambre est devenue pendant le XVIIIe siècle une pièce personnelle alors qu’elle était une pièce commune où tout le monde dormait, notamment dans les classes populaires.
A partir de ce siècle, La vie privée et la vie publique deviennent clairement dissociées. L’intérieur de la maison et la chambre sont alors des espaces d’intimité qui ont inspiré les artistes, peintres et photographes. Voir le tableau d’Edouard Vuillard « Le sommeil » (1892).
Plus tard, Henri Cartier-Bresson a représenté l’intimité : tirage gélatino-argentique de 1986 représentant Christian Bérard au saut du lit. Le tirage « Mon lit 1968 » : un lit élégamment défait avec une revue posée entre les plis des draps sans la présence du photographe Henri Cartier-Bresson, rappelle son refus de se faire photographier.
L’exposition montre aussi comment ont évolué les commodités par suite d’un accroissement de la pudeur courant le XVIIIe siècle et la modernisation de l’hygiène. L’urinoir a été inventé durant le XIXe siècle, vers 1830 les premiers urinoirs, pour les hommes, ont été installés dans les rues parisiennes : « Urinoir à motifs fin XIXe début XXe ».
Un bidet du 18e siècle en chêne, cuir et faïence rappelle les mœurs libertines de l’époque et la contraception a l’efficacité douteuse. Une table de bain dotée d’un réservoir d’eau, d’un broc, et d’un bassin montre comment on palliait l’absence d’eau courante.
L’exposition offre aussi l’opportunité de voir des peintures de scènes célèbres d’intimité telles que :« La table de toilette » (1908) de Pierre Bonnard ; « Le bain »(1873-1874) d’Alfred Stevens ; « La femme à la montre » de Picasso.
AU XXe siècle, l’intimité sexuelle s’exprime au grand jour, les œuvres de David Hockney par sa série de couples au lit et les photographies de Zanele Muholi rendent l’existence de l’homosexualité publique. Les vibromasseurs et les sex-toys ont rencontré un succès grandissant, ils sont présentés dans une large vitrine.
Dans la nef, une scénographie autour du thème du nid et de l’intimité partagée déploie vingt-cinq chefs-d’œuvre du design du XXe siècle. Le design des années 1950 à aujourd’hui illustre une dialectique entre un désir d’isolement et une promiscuité choisie. Le « Siège Déclive » (1968) permet la position assise ou couchée et peut servir de banquette ou de lit. Le « Canapé Bazaar » (1969-1970 ) par sa forme circulaire permet d’accueillir plusieurs personnes et rappelle un certain idéal de vivre ensemble. Le « Sleeping Cat » (1999) tapis chauffant à la fois cheminée et fauteuil…
Une autre salle dédié à la présentation de parfums relève le rapport qu’il a avec notre intimité. Le visiteur peut solliciter son odorat avec divers parfums reflétant les tendances olfactives recherchées selon l’époque. Au XVIIIe siècle, il était lié la propreté, « sentir bon ». Au XXe siècle, le parfum a symbolisé d’autres notions parfois novatrices : le parfum de la femme libérée, de la jeune fille (Anaïs Anaïs) ou encore « Opium » un parfum unisexe.
Un important espace de l’exposition est réservé aux objets connectés comme le smartphone avec sa caméra active… La chambre connectée avec ses écrans intégrés dans le matelas est tout à fait représentative du paradoxe entre isolement et ouverture au monde extérieur et des vulnérabilités engendrées. Les réseaux sociaux vont bouleverser la frontière entre public et privé. Une série de photos d’Evan Baden révèle un partage excessif de l’intimité.
Les objets de surveillance et de protection, utilisés par la police et la gendarmerie mais aussi par les particuliers, stupéfient par leurs prouesses technologiques tout en représentant une agression à la vie privée : Drone Anafi de l’entreprise Parrot (il peut filmer vers le bas mais plus rare, aussi vers le haut), Détecteur d’ouverture de porte, Dispositif révélant l’activité du réseau informatique…
Un panneau affichant les règles législatives au travail et chez soi souligne la prise de conscience de la nécessité d’une règlementation.
Des designers ont pensé aux personnes en situation de précarité : comment préserver l’intimité lorsqu’on se trouve en situation précaire, privé d’un espace à soi, qu’il s’agisse d’un sans-abri, un prisonnier ou un malade ? Le design de survie de Kosuke Tsumura tente d’y répondre avec sa parka (1994) conçue comme un abri portable avec 44 poches.
Enfin, une salle réservée à la présentation de journaux intimes invite à partager des rêves, des secrets à travers des conversations que d’autres ont eu avec eux-même.
Cette exposition montre l’impact du progrès social et technologique sur notre relation avec l’intimité. La modernité au début du XVIIIe siècle a accru l’intimité puis elle l’a rendue plus vulnérable à partir du XXe siècle avec les nouvelles technologies et la tentation de s’exprimer sur les réseaux sociaux. L’exposition pose la question de comment éviter les tabous et toutefois réussir à délimiter correctement vie privée et vie publique.
Annick C., décembre 2024
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