Après s’être transformée en usine de chocolat, à sa réouverture en 2014, pour l’exposition « Chocolate Factory » de Paul McCarthy, la Monnaie de Paris propose « Take Me (I’m Yours) », une exposition où les œuvres sont vouées à la dispersion (« à l’amiable » comme précisé sur place).
Une première exposition avait rencontré un grand succès à la Serpentine Gallery de Londres en 1995. Pour la présentation parisienne, elle a été recréée et enrichie avec plus de trente projets.
C’est une exposition collective avec une quarantaine d’artistes et participative avec nous, les visiteurs qui avons le droit de toucher, déplacer des pièces et même en emporter !
N’hésitez pas à y emmener des enfants.
Commissaires : Christian Boltanski et Hans Ulrich Obrist avec Chiara Parisi, directrice des programmes culturels de la Monnaie de Paris.
L’exposition permet de revenir sur les questions de l’unicité de l’œuvre d’art, leur sacralisation, leurs modes de production… Comme un clin d’œil au lieu, les œuvres de cette exposition sont destinées à être dispersées comme les monnaies. De grands sacs en papier sont même mis à la disposition des visiteurs pour faire leurs emplettes !
Quelques exemples de ce que l’on peut voir sous les lambris de La Monnaie de Paris :
L’arbre de Yoko Ono (wish tree) invite à attacher des messages de paix aux branches.
L’installation de Christian Boltanski, quatre immenses piles de vêtements… regarder, réfléchir et prendre un vêtement en pensant à la nouvelle destination qu’on lui réserve.
L’installation de Hans-Peter Feldmann, des cartes postales de la tour Eiffel épinglées partout sur les murs et des petites tours Eiffel en métal.
Les bannières et badges de Gilbert et Georges (God Save the Queen mais aussi Fuck the teachers et d’autres).
Un très beau tapis de bonbons à la menthe, œuvre créée en 1991 par Felix Gonzales-Torres
En plus des cartes postales, bonbons, journaux, flacons d’eau de rose de Damas que l’on peut toucher et emporter, il est possible de participer à quelques œuvres (pièces de monnaie, photographies, journaux, troc…).
On peut se demander ce que deviendront ces œuvres ou morceaux d’œuvres, une fois les visiteurs-participants rentrés chez eux. Mais déjà sur place, on s’interroge, on se sent plus gais et aussi plus décontractés en pensant au marché de l’art.
Témoignage Take Me I’m yours à la Monnaie de Paris
Visitée le jeudi 1 er octobre vers 13 heures, c’est une bonne heure assez calme, on ne se marche pas sur les pieds tout en n’étant pas seuls.
Vraiment une exposition dont on a envie de parler…
Dans le grand salon, hésitation devant les 4 tas de vêtements de Christian Boltanski, son installation au Grand Palais pour Monumenta était plus parlante et « émotionnelle ». Dans la même salle, les 4 piles de tirages de Gonzalez-Torres m’attirent et j’en choisis 2 dont le plus grand, un oiseau volant sur un ciel gris, immense. Heureusement qu’à l’arrivée, un grand sac en papier m’a été donné pour mettre ma collection d’œuvres à emporter !
Dans l’’installation de Hans-Peter Feldmann, je prends une carte postale de la tour Eiffel et une petite effigie pour touriste avec l’intention de l’envoyer aux USA à une amie qui aime l’art contemporain. C’est incroyable comme la valeur de cet envoi que je vais faire me parait forte par rapport à la valeur d’une carte postale et d’une petite tour Eiffel en métal…
Un irrésistible tapis de gros bonbons à la menthe tout brillants, du même artiste que les 4 piles du grand salon. Combien de bonbons à se partager entre visiteurs ? A manger, à garder sur une étagère ou à donner ?
Dans la salle Gilbert et Georges, on est prévenus qu’il ne faut pas prendre plus d’un badge, un badge par personne… on peut emporter mais il faut en laisser pour les autres !
On peut aussi participer en se prenant en photos dans la cabine photomaton puis laisser la moitié des photos et emporter l’autre moitié sur un carton numéroté… laisser une trace de soi sur les murs d’une exposition… ça je l’ai pas fait, pas envie.
Et dans une salle quasiment vide, une jeune femme (« performeuse ») toute seule à une table. Après avoir tourné autour, je me suis approchée pour savoir ce qu’elle faisait là. Elle me demande si je veux échanger un objet que j’ai dans mon sac avec un autre qu’elle me donnerait… j’hésite mais c’est tentant de jouer le jeu ! D’abord on pense à un truc insignifiant qu’on pourrait donner… Mais elle prévient « Ah mais encore faut-il que j’accepte votre objet ». Peu à peu, l’idée de donner quelque chose auquel on tient se fait jour et je propose un petit miroir avec une image au dos. Avant d’accepter, la jeune femme demande d’où cela vient : – de la boutique d’un musée, je ne me souviens plus lequel, et l’image représente un portrait, dessin de Dûrer. L’échange est conclu et elle me tend une boîte plate en métal que j’avais à peine remarquée sur sa table. Il y a une inscription dessus : LoVe in LOnDoN et des monuments de Londres. Elle est chouette ma nouvelle boîte ! et j’essaie d’imaginer qui l’a déposée ?
En ressortant par le grand escalier, je regardais le « wish arbre » de Yoko Ono avant d’aller y accrocher un message et j’ai failli marcher sur deux œufs blancs qui avaient l’air tout frais, posés sur les marches. Dernière surprise de l’exposition !
Dans mon sac en papier, j’ai emporté 2 grands tirages, un bonbon, un flacon d’eau de rose de Damas, un tatouage décalcomanie « NAU EM I ART BILONG YUMI » (Aujourd’hui l’art nous appartient, en langue pidgin), un billet de tombola « Pour un dîner en tête à tête avec Douglas Godon » que je n’ai pas osé mettre dans l’urne, un badge « Burn that book », 2 cartes de visite noires, j’en oublie sans doute…
Avec le nom de l’exposition bien visible sur le sac, on a le sentiment de diffuser ce que l’on vient de vivre quand on se promène dans Paris avec.
Et arriver à la maison, quand on déballe ses trésors, qu’en faire pour leur garder une certaine magie ?